Bien que les marchés volontaires du carbone aient gagné en popularité, tous les crédits carbones ne se valent pas. Dans le cadre du système des crédits carbone, une entreprise qui adopte des pratiques favorables à la préservation de l’environnement peut vendre un crédit de réduction certifiée des émissions à une entreprise dont les émissions sont difficiles à réduire; cela permet aux entreprises les plus durables de réaliser des bénéfices et aux entreprises les plus polluantes de prendre leurs responsabilités et de « compenser » leurs émissions. L’écoblanchiment, c’est-à-dire le fait de qualifier des pratiques d’entreprise de durables sans preuve à l’appui, a augmenté parallèlement à l’évolution des entreprises vers la compensation de leurs émissions sur les marchés volontaires du carbone.
Le cabinet d’analyse du marché du carbone Sylvera a publié en mai 2023 une analyse de marché réfutant la croyance selon laquelle les entreprises achètent des crédits carbone ou des « compensations » afin d’éviter de prendre des mesures réelles pour réduire leurs émissions et se décarboner. Le rapport examine si l’investissement dans les crédits carbone entrave la décarbonisation au sein des plus grandes entreprises du monde.
D’après les données analysées, le rapport montre qu’en moyenne, les entreprises ayant mis en place des initiatives de développement durable ont réduit leurs émissions d’environ 5 % par an. Alors que les entreprises qui n’ont pas acheté de crédits carbones ont réduit leurs émissions de 3,4 % par an, les entreprises qui ont acheté des crédits carbones ont également réduit leurs émissions de 6,2 % par an, soit près du double. Les crédits carbones achetés n’ont pas eu d’impact direct sur les émissions de ces entreprises, mais l’investissement dans les crédits carbone a coïncidé avec une accélération de la décarbonisation.
Les leaders de la décarbonisation présentés dans le rapport Sylvera comprennent la Bank of America, avec un taux de décarbonisation annuel de 9,5 %, ainsi que Visa, la société espagnole de télécommunications Telefónica et le constructeur automobile allemand Audi. Les quatre entreprises exemplaires se sont engagées à atteindre des émissions nettes nulles ou la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle, et toutes les quatre ont acheté entre 50 000 et 250 000 USD de crédits carbone entre 2020 et 2021 pour aider à compenser les émissions résiduelles en plus de leurs efforts de décarbonisation.
La capture, le stockage et l’utilisation du carbone (CUSC) sont quelques-uns des moyens utilisés par les technologies innovantes pour éliminer les émissions et générer des crédits carbones. Avec les récentes controverses entourant la quantification des crédits carbone « naturels », des solutions technologiques plus permanentes et vérifiables utilisant le CUSC, comme la minéralisation du carbone, produisent des crédits carbones plus fiables et de meilleure qualité.
Dans le secteur industriel, l’inclusion de l’achat de crédits carbone dans un plan de décarbonisation de l’entreprise devient peu à peu la norme. Le producteur d’acier suédois Ovako a mis en œuvre des stratégies de décarbonisation qui ont permis de réduire ses émissions de 55% depuis 2015. Pour continuer à réduire ses émissions, Ovako prévoit d’acheter 180 000 tonnes de crédits carbone par an pour compenser les émissions résiduelles de sa production d’acier, soit environ 180 kg de crédits carbones par tonne de produit sidérurgique fini. La stratégie d’action climatique d’Ovako prévoit une diminution de l’achat de crédits carbone au fil du temps, à mesure que ses pratiques deviennent plus respectueuses du climat et que les émissions résiduelles diminuent également. Anticipant une diminution du besoin de compenser les émissions excédentaires, Ovako « prévoit de ne pas acheter plus de 100 kg de crédits de compensation de CO2 par tonne de produit sidérurgique fini d’ici 2030. »
En fin de compte, l’étude a montré que les crédits carbones sont souvent achetés dans le cadre d’un ensemble d’efforts de décarbonisation, plutôt que comme une excuse pour renoncer à l’action climatique concernant les propres émissions d’une entreprise. Lorsqu’il s’agit de la décarbonisation d’une entreprise, donner la priorité à la réduction des émissions en conjonction avec l’achat de crédits carbone de haute qualité est la stratégie la plus efficace pour qu’une entreprise réduise son empreinte carbone avec le plus grand impact possible sur l’environnement.
Chez CarbiCrete, le durcissement par minéralisation du carbone à l’aide du CUSC est combiné à l’élimination du ciment pour réduire les émissions de plus de 100 % par rapport au béton conventionnel. Cette double action d’évitement et d’élimination des émissions nocives de GES permet à des entreprises comme CarbiCrete de vendre des crédits de réduction et d’élimination sur le marché volontaire. Cela peut contribuer à transformer notre environnement bâti en un environnement capable de réduire les GES au point de compenser les émissions des industries à plus forte intensité de carbone.
La poursuite des efforts visant à transformer les industries fortement émettrices en sauveurs de l’environnement, associée à la promesse d’un soutien financier pour cette nouvelle technologie par la vente de crédits sur le marché volontaire du carbone, contribue à encourager le développement de technologies durables. Cette facette supplémentaire des marchés volontaires du carbone est une raison de plus pour maintenir le système avec des réglementations supplémentaires. Si l’on s’attaque à l’écoblanchiment en imposant aux entreprises des initiatives de développement durable réellement responsables, qui n’utilisent les crédits carbones qu’en complément de leurs propres réductions d’émissions, les avantages escomptés du marché volontaire du carbone pourront être pleinement réalisés.